Lettre ouverte aux agricultrices et agriculteurs du Cher
Le mouvement de protestation des agriculteurs a révélé la crise profonde qui touche le monde agricole. Les coûts de production explosent dans les fermes, sans que les rémunérations versées aux agriculteurs n’augmentent. Certaines productions sont même achetées en dessous de leur prix de revient. Dans le même temps la hausse des profits des entreprises de l’agroalimentaire et les marges de la grande distribution ont globalement flambé. Nature 18, association de protection de la nature, qui cotoie, tout au long de l’année, des agriculteurs et des agricultrices, soutient pleinement cette revendication : percevoir une juste rémunération pour vivre de leur métier.
Nous comprenons votre colère mais elle ne devrait pas cibler l’écologie et les contraintes environnementales. Le gouvernement détricote plusieurs mécanismes de protection de la biodiversité : suspension du plan Ecophyto, mise sous tutelle des agents de l’Office Français de la Biodiversité, allégement de la réglementation sur les haies, abandon des 4% d’infrastructures agro-écologiques, accélération des projets de stockages d’eau, curage des rivières détruisant faune et flore, etc. Mais la cause principale de la détresse agricole n’est pas la transition écologique.
La crise actuelle découle d’un modèle économique qui pousse à une production toujours plus intense dans un marché globalisé, avec des firmes prenant le contrôle des principales productions, des traités de libre échange déloyaux et l’accaparement des terres. Ce modèle productiviste repose sur la monoculture et des parcelles de plus en plus grandes, sans arbres, sans haies, hypermécanisées avec un recours intense à des engrais de synthèse et à des pesticides au détriment des écosystèmes, de la diversité agricole et biologique, et de la qualité des sols et de l’eau.
En quarante ans, le nombre d’agriculteurs a été divisé par quatre et la France est devenue le deuxième pays européen le plus utilisateur de pesticides. Pourtant des normes bien construites sont des mesures de protection contre le marché. Elles permettent de protéger la santé des agriculteurs, celle des consommateurs, de préserver le sol et l’eau. La transition écologique est indispensable et urgente pour ralentir le dérèglement climatique et l’effondrement du vivant.
Dans un rapport publié le 25 janvier 2024, le Haut Conseil pour le Climat (HCC) a souligné que les scénarios pour atteindre la neutralité carbone en 2050 étaient ceux qui développaient l’agriculture biologique et l’agroécologie sur 50 % de la surface agricole. Nombreux sont les agriculteurs qui sont déjà engagés dans ces pratiques vertueuses. Soutenons leurs efforts.
Qu’on le veuille ou non, le climat et la biodiversité s’imposent à tous. N’oublions pas que sans biodiversité, il n’y a pas d’agriculture. Et plutôt que de chercher à y échapper, l’agriculture pourrait être l’outil pour que le monde de demain soit vivable et équitable.
Au nom du Conseil d’Administration de Nature 18
La Présidente
Isabelle VAISSADE-MAILLET
Cette lettre s’adresse à tous les agriculteurs et agricultrices du Cher via leurs structures syndicales et consulaires représentatives. Elle est également adressée à la presse et est consultable sur le site internet de l’association :